[podcast] Ep01 Le truc avec les microagressions...

Autrice Juliette Phuong | Publié le : 6 05 2025

...c'est qu'on ne sait pas toujours ce que c'est

Ce texte est la transcription d'un contenu audio, à écouter (insérer lien vers audioblog)

[Musique intro]

Au fait, vous êtes en train d'écouter “Et maintenant !”, le podcast qui explore tout ce qu’on peut faire pour créer un quotidien plus inclusif. 

[Fin de la musique]

“Tu viens d’où ?”

“Tu parles bien français, tu n’as aucun accent”

“T’as bonne mine t’as perdu du poids ?”

Vous avez peut-être déjà entendu parler des microagressions. 

Mais peut-être que vous ne savez pas exactement ce que c’est, ou alors c’est un peu flou. 

Si vous ne savez pas ce que c’est, alors vous ne saurez pas les repérer. 

Mais si vous ne savez pas pourquoi il faut les repérer

Alors vous ne prendrez pas la peine de savoir ce que c’est. 

Avant de vous donner quelques définitions

Je vais donc commencer par vous donner un peu de contexte, et expliquer pourquoi il faut reconnaître les microagressions, surtout quand on veut agir contre les discriminations et les inégalités. 

Le tout avec des exemples. 

[Bruit de papier]

Pyramide des violences

Est-ce que vous connaissez la pyramide des violences ? C’est un schéma qui explique la théorie suivante : les expressions de certaines valeurs et comportements peuvent amener à encourager de la violence verbale, physique voire à l'homicide

Dans la description de ce podcast, je vous donne le schéma de la pyramide que j’utilise en formation et en animation. 

Si vous ne l’avez pas sous les yeux, commencez par imaginer une pyramide. 

Ou un triangle. 

À la base de la pyramide, il y a nos perceptions, nos représentations du monde qui sont composées de stéréotypes et de préjugés. 

Par exemple : les femmes sont plus empathiques que les hommes, ou les personnes chinoises transportent souvent de l’argent en espèces sur elles. 

Ces stéréotypes sont partagés par un ensemble de personnes, qui n’en ont pas forcément conscience. 

Ces personnes, dans leurs interactions du quotidien, vont tenir des propos et des comportements hostiles qui vont refléter ce qu’elles pensent. 

Focus sur “hostile”

Cela ne veut pas forcément dire : “avec l’intention de nuire”, mais hostile en termes d’impacts et d’effets sur les personnes concernées. 

Dans les comportements hostiles, il y a notamment les microagressions, mais aussi les actions d’invisibilisation ou d’humiliation. 

Par exemple : envoyer systématiquement une femme pour adoucir un conflit, mais envoyer un homme pour régler un conflit. ou faire une blague à une personne chinoise en disant : “toi tu paies en cash uniquement”

Ces comportements hostiles ne sont ni encadrés ni sanctionnés par la loi. 

Sauf les insultes, et dans ce cas, on parle d’outrages. 

Donc au 1er étage de la pyramide : les perceptions

Au 2e étage : les comportements

Dans les étages du dessus jusqu’à la pointe il y a les discriminations, les délits et les crimes (dans la pointe de la pyramide) qui sont clairement définis dans les textes de loi. 

Si on reprend les étages du bas en haut, la lecture peut se faire de la façon suivante :  

“Nos perceptions partagées peuvent permettre l’expression de comportements hostiles qui vont de la violence verbale ou comportementale, à la violence physique qui peut inclure la mort.” 

Chaque étage de la pyramide constitue des fondations pour les étages du dessus. 

Si on fragilise la base de la pyramide, alors on réduit aussi la possibilité pour les violences d’être commises. 

[Bruit de stylo qui écrit sur papier]

Au milieu de tout ça, il y a les microagressions

Quelques chiffres pour commencer : 

En 2024, une étude IFOP réalisée pour le cabinet de conseil Partialités donne quelques chiffres sur les microagressions au travail. 

La moitié (47%) des personnes interrogées ont été victimes de microagressions. 

82% disent avoir été témoins. 

On peut dire que c’est un sujet connu. 

Dans l’ensemble, quasiment tous les témoins ressentent des émotions négatives ou de l’empathie, mais seulement 2 sur 3 réagissent. 

Vous me direz, c’est déjà pas mal. 

Mais, pourquoi certaines personnes ne réagissent-elles pas ?

Pour expliquer le manque de réaction, 59 % des interviewés parlent des craintes liées à

l’environnement de travail (crainte de conséquences, rapports hiérarchiques, crainte de

stigmatisation ou d’isolement, manque de sécurité psychologique)

Comment vont réagir mes collègues ou ma hiérarchie ? 

Est-ce que je vais être soutenu·e ? Ou passer pour le ou la relou·e de service ? 

La personne qui n’a pas d’humour. 

C’est un problème de perception sociale

Donc qu’il faut traiter non pas de façon individuelle mais collective. 

[Son du tic-tac d’une horloge]

Ce qu’on pourrait expliquer par le fait que le terme est plutôt récent. Le terme existe depuis les années 1970, inventé par un psychiatre Chester Pierce, psychiatre et prof à Harvard

A l’origine c’était pour parler des comportements de Blancs envers des Noirs, aux Etats-Unis. 

Début 21e siècle, l’usage s’étend à d’autres groupes minorisés / marginalisés, comme la communauté LGBTQIA+, ou les personnes en situation de handicap. 

Dans les entreprises françaises, l’utilisation est encore très récente. En tout cas, je travaille dans l’inclusion depuis 10 ans et ça fait seulement 5 ans que les clients sont réceptifs. 

Jusque là on ne savait pas bien ce que c’est. 

Et ce que j’observe, c’est qu’en entreprise les formations et sensibilisations sont plutôt orientées vers ce qui est encadré par la loi, à savoir les discriminations, le harcèlement, l’accessibilité. 

Et si on ne fait rien, il se passe quoi ? 

81 % des salariés admettent que l’absence de réactions à ces phénomènes contribue à les

normaliser et 79 % qu’elles sont les premiers pas vers les discriminations. 

On repense à notre histoire de pyramide des violences. 

Si on veut lutter contre les discriminations, alors il faut lutter contre les microagressions. 

Chiffre intéressant à regarder en parallèle, c’est qu’il y a aussi 

76 % des répondants peinent à identifier les situations de micro-agression.

Donc il y a bien un sujet, même 2 : 

  • sur apprendre à identifier les mA 
  • et apprendre à réagir, le tout de façon collective
« Étude Ifop pour Paritalité réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du mardi 30avril au mercredi 15 mai 2024 auprès d’un échantillon de 1009 salariés, représentatif de lapopulation française des salariés du secteur privé. »

[Bruit de clavier d’ordinateur]

Invisibles et sous nos yeux en permanence

Ce qui est difficile avec les mA, c’est qu’il y a plein de pièges. 

Si on ne se penche pas sérieusement sur la question

Déjà, le terme en soi. 

micro-agression

Si on le prend au pied de la lettre, on pourrait penser que c’est comme une micro-coupure, un petit truc, pas bien grave, pas de quoi remuer les ressources humaines. 

Si on garde l’image de la micro-coupure, vous savez les coupures souvent invisibles qu’on se fait avec les bords des feuilles, imaginez des micro-coupure tout le temps, partout sur vous, n’importe quand, par surprise. 

Certaines micro-coupures ne se referment pas encore, qu’une autre arrive, puis sur certaines, une inflammation, une infection. 

Répétition

Oui parce que la 2e caractéristique de la microagression, c’est qu’elle se répète

Exemple de : “tu parles bien français”, qui arrive souvent comme un compliment. 

Comme mon apparence physique est celui d’une personne chinoise, mes interlocuteurs et interlocutrices peuvent être surprises par ma maitrise de la langue française. 

Parce que le stéréotype sous-tendu et dont elles n’ont pas pas conscience, c’est que 

les “chinois·es parlent français avec un accent”. 

Dans d’autres épisodes, je reviendrai plus longuement sur l’analyse de microagressions courantes. 

Ce qu’il faut savoir ici, c’est que les microagressions suivent les victimes toute leur vie, même si les auteurs et autrices changent et ne communiquent pas entre elles et eux.

Si personne ne voit le problème, c’est parce qu’il est communément accepté de dire ça. 

“Tu parles bien français” la formulation ressemble à un compliment. 

[Son du tic-tac d’une horloge]

Bonnes intentions

Ce qui nous amène à la 3e caractéristique : la bonne intention. 

Vous vous souvenez, je vous disais que les comportements hostiles l’étaient par leurs effets et non par leur intention. 

La plupart du temps, c’est un propos qui est censé être gentil, sauf que c’est offrir une délicieuse pâtisserie à une personne diabétique. C’est gentil mais non. 

Avec le “tu parles bien français”, ce qu’il faut décoder, c’est ce qui n’est pas dit, à savoir “tu parles bien français, pour une personne pas française”

Or, recevoir toute sa vie des messages subliminaux de ce type, cela a un impact sur le sentiment d’appartenance, sur le fait de se sentir français·e

Stigmatisent des personnes minorisées

Qu’elles en aient conscience ou non, les microagressions remettent une couche de vernis sur les idées reçues. 

Les personnes minorisées, par leur genre, orientation sexuelle, capacités ou apparence physique, le sont parce que les stéréotypes qui les concernent ont la peau dure. 

Pour paraphraser Colette Guillaumin, sociologue française : les personnes minorisées le sont parce qu’elles sont placées dans une relation sociale avec un pouvoir, des droits et des possibilités moindres, par rapport à un groupe dominant. 

On est bien dans un rapport de domination. 

« Par groupes minorisés, on entend la définition sociologique d’une minorité, qui met l’accent non pas sur un critère numérique, mais sur l’expérience de la minoration sociale et de la discrimination comme dénominateur commun d’un groupe social (Wirth, 1945), placé dans une relation sociale « de moindre pouvoir, de limitation des droits et possibilités » par rapport à un groupe dominant (Guillaumin, 1985 : 104). »

5e caractéristique : les microagressions sont invisibles pour les personnes non concernées / groupe dominant. 

Vous pourrez me dire oui mais bon, je ne savais pas. 

Effectivement, sans être concerné, c’est compréhensible de ne pas le voir passer. 

C’est le principe même de l’angle mort. 

Tout le monde a un angle mort. 

Il est possible que vous soyez dans le groupe dominant. 

On n’est pas en train de juger des personnes individuellement, ici. 

Il relève de la responsabilité collective de savoir reconnaitre que l’on peut être auteur ou autrice de microagressions. 

En tout cas je suppose que vous, en tant que collègue, ami·e, manager, vous aimeriez sans doute mieux que vos échanges au travail ne blessent pas vos collègues ? 

[Bruit de papier]

Agir de façon collective et cohérente

Depuis le début je parle d’agir de façon collective. 

J’ajouterais : Et cohérente. 

Ce n’est pas magique. 

Si on veut lutter efficacement contre les discriminations et les inégalités sociales, il ne suffit pas juste de travailler sur les microagressions. 

Dans l’autre sens, ce n’est pas parce que vous avez travaillé sur les microagressions que vous avez éliminé la possibilité de discriminations. 

Ce qu’il faut retenir, c’est qu'en tant que personne, je peux avoir des leviers sur certaines choses dans la vie. 

Mais là où j’ai la possibilité de m’exercer régulièrement, pour réagir, ce sont les microagressions

C’est déjà là, c’est quotidien. 

Apprendre à les déceler c’est déjà un premier pas, qu’il faut faire en collectif car seul·e on a trop d’angles morts

[Musique outtro]

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